L’origine de nos falaises: histoire et géologie

par  Denis Paquette   et   Anne Aumont

 

… et si on retournait dans le temps, pour comprendre lorigine des facteurs qui caractérisent le massif des falaises et le rend si exceptionnel ?

Sur une échelle de temps géologique, la Terre s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années. Puis, jusqu’à 250 millions d’années, toutes les terres nouvellement formées étaient rassemblées les unes contre les autres pour former une seule entité appelée la Pangée (Figure A). Puis, les plaques tectoniques se sont mises en mouvement et ont déplacé d’immenses masses rocheuses pour engendrer les continents tels qu’on les connait aujourd’hui.

Figure A

Les dinosaures ont commencé à peupler la terre il y a 250 millions d’années et la Pangée de Wegener explique pourquoi on trouve leurs traces sur tous les continents. La disparition des dinosaures s’est produite durant la grande extinction d’il y a 66 millions d’années.   Aujourd’hui, la « tectonique des plaques » a remplacé l’hypothèse de Wegener, mais pour fin de notre discussion, les conclusions restent les mêmes.

Il en fut de même pour les plantes; c’est pourquoi on retrouve des plantes assez semblables sur les autres continents. Mais le temps et l’évolution ayant fait leur oeuvre, depuis la dérive des continents, on peut déceler en Amérique des plantes semblables à celles des autres continents, mais avec des distinctions particulières.

Sur la carte géologique du Québec (Figure B), on peut observer cinq zones principales chacune correspondant à une période géologique différente. Le massif de Prévost-Piedmont a été mis en place durant la période du soprotérozoïque (Grenville) en orangé, vers  1,5  à  1,0  milliards d’années dans le passé.

Figure B

 

Légende :

(En rose) : Archéen (Supérieur) de 4,03 à 2,5 milliards dannées

(En vert) : Paléoprotérozoïque (Churchill) 2,5 à 1,5 milliard dannées

(En orange) : Mésoprotérozoïque (Grenville) de 1,5 à 1,0 milliards dannées

(En beige) : Appalachien de 570 à 330 millions d’années

(En bleu): Calcaire (Plateforme du Saint-Laurent) de 500 à 430 millions dannées

Les Collines montérégiennes (Mont-Royal) se sont formées il y a 125 millions d’années.

S’en est suivi une série de refroidissements (glaciations) et de réchauffements de la planète (sécheresses) qui a fortement modulé notre paysage. Pendant la période du Quaternaire qui a débuté il y a 2,6 millions d’années, de longues séquences de refroidissement ont favorisé la croissance de glaciers continentaux sur l’Amérique du Nord. Si vous observez de grosses roches arrondies aux alentours des falaises, c’est qu’elles ont été roulées puis déposées par les glaciers. Certaines viennent vraiment de très loin.

À la fin du dernier bouleversement, il y a 21 000 ans, le glacier du Wisconsin avait une épaissseur de 2 000 à 4 000 m d’épaisseur en son centre, qui était au voisinage de la Baie d’Hudson. Eh oui, à l’emplacement actuel des falaises de Prévost-Piedmont, l’épaisseur de la glace atteignait 2 km.

La glaciation du Wisconsin, il y a 18 000 ans, nommé l’Inlandsis laurentidien, recouvrait entièrement l’Est du Canada jusqu’aux Rocheuses et une partie des États-Unis
(Figure C). Cette immense masse de glace a façonné le paysage par son action d’érosion et de transport de sédiments.

Figure C

Le poids du glacier a fait enfoncer le continent amenant ainsi l’emplacement de Montréal à renfoncer de 120 mètres, c’est-à-dire qu’il se trouvait sous le niveau de la mer actuelle. Le glacier se déplaçait d’Ouest en Est, creusant ainsi l’emplacement du futur fleuve Saint-Laurent. Le mont-Royal était alors sous les glaces qui ont érodé les roches calcaires tout autour, laisant poindre la montagne qui est formée de roches plus dures.

Après la dernière fonte des glaces, ayant commencé il y a environ 11 600 ans, l’eau salée de l’océan Atlantique s’est alors engouffrée par notre grand fleuve, le Saint-Laurent, pour combler cet immense trou libéré par le glacier. La mer intérieure ainsi créée, fut nommée la mer de Champlain.  Prévost se situait alors sur le rivage nord de la Mer de Champlain (Figure D).

Figure D

Pourquoi la mer de Champlain est-elle disparue ?

Après la fonte du glacier recouvrant la région de Montréal, l’eau de la mer de Champlain est retournée lentement vers l’océan alors que le continent se relevait comme un ressort, après s’être libéré du poids des glaces, en dégageant des escarpements, des éboulis et répandu de l’argile et autres sédiments laissés par la Mer de Champlain.

Pourquoi trouvons-nous des plantes des montagnes Rocheuses dans nos falaises ?

Figure E

 

Figure F

Nos falaises sont constituées de roches inertes qui procurent très peu d’éléments minéraux essentiels pour les plantes. Ainsi, les botanistes s’accordent pour dire que les Laurentides en général, sont un endroit très pauvre en diversité végétale si on la compare aux régions calcaires du sud du Québec. La nature a incrusté parmi les roches de Prévost, des cristaux de carbonate de calcium (craie) semblables à du marbre, qu’on peut observer le long des failles de nos falaises (Figure G).

Figure G

Les failles se forment lorqu’il y a différentes sortes de minéraux, ce qui crée une cassure.  La pluie fait ressortir le calcium, élément essentiel aux plantes dites «calcicoles», en les nourrissant de façon hydroponique, en quelque sorte, ce qui augmente la qualité minérale.

Les montagnes Rocheuses sont constituées de roches calcaires et ces plantes calcicoles, surtout celles exigeant le plein soleil, ont pu subsister après leur migration sur le front glaciaire, en restant accrochées aux parois de nos falaises.

La présence exceptionnelle de calcium favorise certaines plantes calcicoles des montagnes de l’Ouest canadien, et constitue un trésor, car nous trouvons cette caractéristique en bien peu d’endroits, comme à Eardley (massif au nord de Gatineau), comme dans Charlevoix et aussi au Bic, dans le Bas Saint-Laurent le long des escarpements et falaises. Nulle part ailleurs au nord de Montréal, on ne retrouve cette exigence. Voilà pourquoi nous observons des plantes rares dans nos falaises.

 

Plantes rares du massif des Falaises